Aroas souffla. La fleur brillait, la coloration sur sa main était raisonnable, il était calme et concentré, ça ne pouvait que bien se passer. Il relâcha ses épaules et fit signe à Myrek. Celui-ci hocha la tête et Aroas senti le lien du mage s’approcher du sien. Il commença, doucement, à se retirer et à étouffer son propre lien. Myrek était bien plus entraîné que lui, et il le sentit reprendre derrière lui. Le halo faiblit un instant mais ce fut rapidement rattrapé et la transition se finit sans encombre.
“Félicitation à vous deux ! C’était admirable !”
Ermeline prit des notes sur le premier bout de papier qu’elle trouva de sa main et releva les yeux.
“Maintenant, fini de jouer, passons au sujet sérieux ! Myrek, lance ton sort de la même manière que la lumière, Aroas, je vais t’aider sur la première transition, tu verras ce n’est plus un sort de novice, et fait attention à ta coloration, si c’est trop coupe le lien.”
Aroas acquiesça, et Myrek s'exécuta.
“Allez-y”
Le jeune homme créa son lien, et alors qu’il arrivait au contact, il fût envahi par une sensation oppressante, comme s’il était observé. Sa vue s'obscurcit, il eut soudain très froid et un goût étrange et infecte lui envahit la bouche. Il se retira vivement et la sensation se dissipa. Il se tourna vers Ermeline.
“J’ai eu une sensation étrange en m’approchant du sort, comme si j’étais observé, et comme si... Comme si le sort était.. Mauvais ?
Myrek fronça les sourcils.
“Qu’entends-tu par ça ?”
Aroas frissonna.
“Je ne sais pas, comme si mon corps le rejetait. Ce n’était pas douloureux, mais très désagréable.”
Ce fût au tour d’Ermeline de froncer les sourcils.
“C’est très étrange, je ne ressens rien de tel. Réessayons, et si ce n’est pas supportable, on arrête tout.”
Les deux autres mages acquiescèrent et recommencèrent. Aroas fût pris de la même sensation, mais sans l’effet de surprise, il fût plus serein pour l’aborder. Il ne savait trop comment se l’expliquer, mais tous ses sens étaient en alerte. Il avait l’impression qu’il y avait quelque chose de tapi au coin de son champs de vision obscurci, quelque chose qui guettait, était silencieux, et invisible même, mais qui était bien là, il sentait son odeur, il avait ce goût.
Myrek lui avait expliqué que ce qui avait trait au Flux était un peu comme une quatrième dimension de l’espace, et que c’était pourquoi les sens étaient confus, on ne savait trop avec lequel appréhender ceci, et théoriquement, on pouvait en avoir un aperçu avec tous. Mais ce ne sont que des projections, on ne peut pas tout voir, tout comprendre, on ne peut en avoir qu’un aperçu. D’où il venait, on lui avait juste appris à suivre des traces dans le Flux, au goût et à l’odeur, mais il se rendait compte qu’il y avait bien plus. Avec cet exercice il tentait le toucher, mais cette présence qu’il sentait, continuait à lui échapper. Il ferma les yeux. Les faisceaux de lumière qu’il avait vu dans la cité l’avant-veille étaient certainement des liens, qu’il avait réussi à voir en plus de ressentir.
Il imagina les couleurs, les faisceaux de lumière qu’il avait vu, et qu’il devrait voir devant lui s’il rouvrait les yeux. Il le fit, et d’abord faiblement, mais il aperçu dans l’espace devant lui un filament de lumière qui allait s’attacher à la fleurs. Il cligna des yeux quelques fois, et l’image se précisa, mais resta très faible, bien loin de ce qu’il avait vu dans les rues, mais tout de même très semblable.
Il regarda plus loin, et parvint à voir les Liens d’Ermeline et de Myrek, mais si le sien et celui de la mage se ressemblaient beaucoup, celui de Myrek était différent. Il était plus tordu, moins lumineux. Il ondulait, comme s’il était perturbé, traversé sans cesse. Du coin de l’oeil, il crut apercevoir un mouvement, et il tourna rapidement la tête, sous les regards intrigués des deux autres mages.
“Tu vois quelque chose Aroas ?”
La voix d’Ermeline n’atteint pas de suite le jeune homme, qui sans réellement s’en rendre compte, coupa son lien avec la fleur et se leva pour s’approcher de Myrek, comme regardant dans le vide. Des petites boules d’une lumière sombre et terne gravitaient autour de lui, perturbaient le lien qu’il avait formé, et qu’il ne voyait plus.
“Ce sont comme des petites lucioles qui tournent autour de lui. J’ai du mal à les regarder en face, c’est comme si elles disparaissaient si j'essayais, mais du coin de l'œil j’en compte… Une dizaine ? J’ai du mal à bien voir…”
Les deux mages semblèrent chercher dans l’air autour de Myrek, mais l’un comme l’autre semblaient perdus. Aroas leva une main et tendit son index en direction d’une de ces lumières. Il eut d’abord l’impression de passer au travers, comme quand il avait essayé de toucher les Liens dans la rue, mais il réessaya, et trouva le recoin dans l’air devant lui dans lequel s’était caché la lumière. Le contact fût brutal, il ressentit un froid brûlant au bout de son doigt et un cri fantomatique lui emplit les oreilles. Il ferma les yeux et retira vivement sa main, et quand il les rouvrit, il ne vit rien d’autre que deux mages incrédules.
“J’ai essayé de toucher une de ces lumières, mais c’était comme si elle n’était pas exactement là. Je ne sais pas trop comment j’ai réussi, mais mon doigt a brûlé de froid et la lumière a crié.”
Ermeline sembla pensive un instant et griffona quelques mots sur un bout de papier vierge.
“Interessant… C’est à l’Académie que tu devrais aller, pas dans les Landes… Tu as l’air d’être capable de voir des choses qu’on ne peut pas voir…”
Myrek intervint en montrant la chaise vide.
“Nous pourrons expérimenter pendant la semaine de voyage qu’il nous reste d’ici Namas Cintas, en attendant, il reste à savoir s’il vient ou pas.”
Aroas se remit assis et il refirent l’expérience.
“C’était peut être trop d’un coup.”
Myrek s’appuya sur son dossier, épuisé, bientôt imité par Aroas. La transition fonctionnait bien, mais seulement tant qu’Ermeline aidait. Sans elle, le sort se rompait toujours avant que Myrek ne se retire totalement. La mage se leva et commença à faire les cents pas en se tenant le menton dans le peu d’espace libre de la pièce. Quand enfin elle dit.
“Aroas, dis moi comment t’es venue l’idée de regarder autour de Myrek ? Si je me souviens bien, la vue n’est pas le domaine de prédilection du Domaine de Gélonde en ce qui concerne la magie.”
Le jeune homme entreprit alors de revenir sur l’épisode enivré et de raconter ses mésaventures. Myrek écouta aussi avec grande attention et jetta quelques regards à Ermeline qui, trop concentrée dans ses pensées, ne sembla pas les remarquer.
“Je ne sais pas ce que j’ai vu, mais je me suis dit que ça devait être des Liens, et je voulais voir s’il y avait réellement quelque chose qui m’observait.”
Elle hocha la tête, elle approuvait la démarche.
“Et tu n’as vu ces lumières qu’autour de Myrek ?”
Aroas acquiesça. Il était intrigué par l'interrogatoire soudain. Ermeline continua de faire quelques pas puis elle s'arrêta et se tourna vers leur table de travail.
“Très bien, je viens avec vous.”
Ne leur laissant pas le temps de répondre, elle sortit de son atelier et disparut dans l’encadrement de la porte. Elle allait devoir prendre de quoi écrire. Le cas était très particulier, et d’autant plus intéressant. Un novice, qui développe tout seul un sens supplémentaire, et voit des choses que deux mages expérimentés ne voient pas. Ces lumières étaient sûrement une piste pour expliquer les pouvoirs que Myrek ne savaient expliquer, et surtout ces Liens dans la ville, entre les parcs et le bâtiment de la coupole, son laboratoire, était surement ce qu’elle cherchait depuis des années à prouver sans succès. Définitivement, elle ne pouvait laisser cette opportunité s’envoler, quitte à braver les Landes.
Aroas retrouva Yven dans la cour. Celui-ci lui tendit une épée et ils se mirent en garde.
“Alors, tout fonctionne comme vous voulez ?”
Le soldat lança un premier assaut qu’Aroas parvint à plus ou moins parer.
“Pas exactement, mais pour pallier ça, Ermeline va venir elle aussi.”
Yven sembla interloqué, mais finit par dire quelques passes plus tard.
“Je viens aussi. Je ne peux pas te laisser y aller seul alors que tu sais à peine te défendre.”
Pour appuyer ses propos, il désarma le jeune homme en deux coups bien placés et le fit tomber à la renverse.
“Et l’ordre qui m’a été donné est de veiller sur toi après tout.
Il offrit sa main pour l’aider à se relever un demi-sourire sur le visage.
Lymel se releva du banc. Il était allé dans un temple de Lumin, espérant trouver une réponse du côté divin, mais même si les prêtres en auraient eu une à apporter, il n’avait réussi à adresser la parole à aucun. Il se laissa flotter jusqu’à la grande statue centrale, représentant le dieu dans toute sa splendeur. Il était vêtu de sa toge traditionnelle et laissait pendre de sa main les trois pendentifs représentant ses valeurs. Un pour la justice, un pour la prospérité, et un pour la loyauté. Sur le mur derrière lui étaient gravés les noms de ses trois frères, Ermaon avec son sceptre, Madralos et son navire, et Anor et sa plume. Quatre dieu, mais pas un seul pour répondre à ses prières.
Il descendit l’allée et sortit par la porte. Il continuait à marcher, à éviter les passants, à s’excuser quand il leur passait à travers, mais cela plus pour ne pas perdre pied que par nécessité. Après tout, les obstacles physiques n’en étaient plus réellement pour lui. Il était comme seul dans un monde différent des autres.
Il prit de la hauteur et observa la cité. Il n’avait jamais vu autant de maisons, et autant de personnes au même endroit avant de venir ici, et il en était toujours fasciné. C’était à se demander comment ils faisaient pour ne pas se marcher dessus ! Et ces gens connaissent-ils seulement leurs voisins ? Mangent-ils seuls chez eux ? Où est le doyen du village et comment font-ils pour aller lui demander conseil, ou demander sa bénédiction ? A avoir passé toute sa vie dans son village de Mérinvieux, il ne connaissait le monde que par les histoires des voyageurs, des marchands, et la plupart ne sortaient pas de la région, et n’étaient même jamais allés jusqu’à la capitale ! Il avait un monde à explorer depuis le début, tellement de choses différentes de ce qu’il connaissait, et maintenant qu’il le savait, il ne pouvait plus être qu’un observateur.
Sauf si je suis toujours avec des mages se dit-il. Myrek, Aroas et Ermeline revinrent à son esprit. Cela faisait combien de jour qu’il ne les avaient pas vus ? 2 ? 3 ? Une semaine ? Déconnecté de la réalité comme il l’était, le temps qui passait ne signifiait plus tellement pour lui. Étaient-ils toujours là ? Il chercha dans ses souvenirs dans quelle direction il devait aller et prit son envol.
Quand il arriva, il remarqua quatre gros paquetages, un devant chaque personne, sur la table de la cuisine. Ils étaient en pleine conversation, mais Ermeline les interrompit quand il arriva.
“Ah Lymel, te revoilà ! Tu tombes bien, nous partons demain !”
Tous regardaient dans sa direction, à part Yven qui ne savait trop quoi chercher dans le vide devant lui. Elle poursuivit.
“Tu nous accompagnes ?”
Ce n’est pas comme si j’avais beaucoup d’autres choses à faire, se dit-il, mais surtout, il se sentait mieux de savoir qu’il existait pour certains.
“Bien sûr ! Mais vous allez tenir à quatre ? Myrek seul avait du mal, à deux il s’est évanoui.”
Il ne comprit évidemment pas grand-chose à la réponse, mais ils semblaient avoir pensé à tout ! Ou en tout cas, leurs sacs remplis le laissaient croire. Restait cette fleur dans un boîtier étrange posé au centre de la table qui l’intriguait, mais il se dit aussi qu’il n’y comprendrait sûrement pas grand-chose s’il posait une quelconque question.
Myrek regarda par la fenêtre. Le soleil s’était couché pendant qu’ils faisaient leur préparatifs.
“Départ aux aurores à la porte Est. Celui qui est en retard reste à Stapsea ! Je vous conseille d’aller vous reposer, vous ne profiterez pas d’un aussi bon lit avant bien longtemps !”
Myrek égoutta sa plume et la ressuya. Il la rangea dans sa pochette et se muni de son sable qu’il passa sur le parchemin fraichement écrit. Toute cette histoire ferait certainement une très belle chronique. Sûrement pas au goût des académiciens, trop romancés pour eux, mais la noblesse Yvernienne apprécie beaucoup ces histoires d’hommes et de femmes partant ensemble à l’aventure en quête de trésors et de gloire. Il aurait aimé être dans une de ces histoires, ne courir qu’après la gloire. Son regard alla tout seul jusqu’à sa sacoche, de laquelle pointait un des seuls livres qu’il avait sur lui mais n’avait pas écrit. Elyon Vernoff. Il n’avait jamais entendu ce nom auparavant, mais s’il était sur le point de percer le secret de la malédiction des Landes, il avait dû un jour passer par l’Académie. Il irait y mener son enquête. S’ils revenaient vivant. Il n’avait jamais poussé aussi loin dans les Landes que Namas Cintas. Cette expédition était inédite, de mémoire d’Hommes et d’archives.
Il y en avait eu bien d’autres, mais aucune n’avait de réel moyen de se prémunir des réanimés, et la plupart sont supposées avoir péri avant même d’avoir atteint les ruines de la cité. Ils allaient faire l’histoire, si Elyon ne la faisait pas avant eux. Il se frotta les tempes, imaginant déjà les nuits blanches passées à chroniquer son passage dans la cité antique. Il avait déjà tant de tomes de retard…
Il se leva. La nuit était déjà bien entamée, mais pour un mage, il n’était pas encore temps d’aller dormir. C’était l’un des plus grands mystères de la magie, avec la nature même du Flux, des Liens et de la coloration. Pourquoi tous les mages sont insomniaques. Certains avancent des thèses très compliquées, disant que tisser des Liens altère le fonctionnement biologique du corps, d’autres disent que les mages réfléchissent juste trop. Mais comme tout ce qui touche à la magie ou presque finalement se dit Myrek, ce ne sont qu’hypothèses et interprétations.
Il tissa un lien très faible pour atténuer le bruit de ses pas. Les soldats avaient besoin de ce repos, et le plancher de cette maison craquait tout de même beaucoup trop pour être rassurant. Il passa devant les chambres et aucune lumière ne filtrait sous les portes. Ermeline devait être en bas. Il descendit à la cuisine, se servit un peu du thé qu’il restait et se dirigea vers l’Atelier, duquel provenait quelques bruits d’outils.
Ermeline était penchée sur un de ses nombreux établis. Elle avait dû comme lui tisser une cage pour atténuer les bruits, mais elle l’avait étendu à tout un coin de la pièce, ce qui lui permit de s’approcher entre les plantes sans qu’elle le remarque. Il posa son verre et attendit un moment où elle posa ses outils pour lui bondir dessus. Elle se débattit et tenta de riposter mais Myrek avait toujours été plus fort qu’elle, et il connaissait bien les endroits où elle était particulièrement chatouilleuse. Elle demanda rapidement grâce et Myrek la relâcha et alla récupérer son verre pendant qu’elle reprenait son souffle.
“C’est toujours un plaisir de te voir Myrek !”
Son visage était cramoisi.
“Que me vaut cette visite, tu en avais marre d’écrire ?”
Elle s’appuya face à lui contre son établi.
“Je voulais juste voir comment tu allais. Nous partons au devant d’une mort quasiment certaine après tout.”
Elle esquissa un petit sourire.
“Pourquoi s'inquiéter ? Ce n’est pas comme si ça allait changer quelque chose. Nous y allons, et advienne que pourra ! Nous avons déjà à mon avis bien plus de chance de réussite que nos prédécesseurs ! Tu ne crois pas ?”
Myrek regarda son verre.
“Si, tu as sûrement raison. Mais le fait de ne pas complètement comprendre et maîtriser notre garde fou me fait peur je l’admet.”
Penchant légèrement la tête sur le côté, elle lui donna un léger coup de pied.
“Eh, il est passé où ton optimisme ? Tu ne pourras jamais tout contrôler, il y aura toujours un moment où quelque chose va casser, le truc c’est pas d’essayer d’être incassable, t’y arriveras pas et ça t'épuiseras, le truc c’est d’essayer d’être résilient et de quand même surmonter cette épreuve malgré les imprévus. Et ça je sais très bien que t’y arriveras !”
Myrek afficha un grand sourire.
“Est-ce que ce ne serait pas mot pour mot la tirade que je t’ai faite il y a dix ans quand tu as voulu présenter tes travaux au concours de l’Académie ?”
Ermeline ria.
“A croire que tu as laissé une trace !”
Elle solda sa réplique d’un tirage de langue auquel il répondit. Un petit moment de silence suivi, avant que Myrek reprenne.
“Comment ça va depuis…”
Il ne finit pas sa phrase. Elle répondit avec un petit sourire.
“Depuis quoi, que tu es parti ?”
Il répondit d’un hochement de tête.
“Écoute, comme tu peux le voir autour de toi, j’ai toujours plus de choses à faire que de temps à y consacrer !”
Il sirota une gorgée de thé avant de répondre.
“Je l’ai vu quand je suis arrivé, certaines choses ne changent pas.”
Elle haussa les épaules.
“On ne se refait pas ! Et toi, tu as trouvé ce que tu cherchais ?”
Le fond de sa tasse sembla à nouveau très intéressant.
“Certaines choses ne changent pas. Je suis toujours en quête. Et j’ai toujours plus de tomes en retard que de tomes écrits.”
Il fit une petite pause avant de continuer.
“Mais toute cette histoire en fera surement un très bien ! J’en ai déjà écrit quelques pages !”
Il fit un grand sourire et un autre moment de silence passa. Elle prit une grande inspiration..
“Tu sais Myrek, avec toutes ces années, j’ai eu le temps de réfléchir. Réfléchir à ce qui comptait pour moi, à ce que je voulais, à ce que j’avais, à ce qu’il me manquait.”
Elle marqua une pause.
“Et alors ?”
Il posa sa tasse vide et leurs regards se croisèrent.
“J’en suis finalement arrivée à me demander si ce que je convoitais était réellement ce que je voulais, et si ce dont j’avais besoin je ne l’avais pas déjà, mais avait trop peur pour l’accepter. Je cherchais un idéal quand j’avais déjà quelque chose qui me convenait très bien et me rendait heureuse.”
Il soupira avant de sourire.
“Tu n’étais pas la seule à courir après un idéal tu sais…”
Elle sourit aussi.
“Après Namas Cintas, tu pourras revenir un peu ici pour rédiger tes tomes si tu veux.”
Leurs regards se croisèrent à nouveau et ils se dirigèrent du même pas dans les bras l’un de l’autre. Ils parlèrent d’une même voix.
“Tu m’avais manqué.”
Aroas ne trouvait pas le sommeil. Il réfléchissait sûrement trop à ce qu’il allait se passer à partir du lendemain. C’est pourquoi il s’était relevé pour aller se servir un peu du thé qu’Ermeline avait préparé. Il passa devant la chambre de Myrek dont la porte était grande ouverte. Cela l’intrigua et il entra. La chambre était plus ou moins ordonnée, comme le reste de la maison, mais sur un petit bureau, traînaient non pas des feuillets, mais des grimoires. Il s’en approcha, et vit qu’il y en avait un d’ouvert, et la plume posée à côté laissait supposer que l’écriture était récente. Il laissa trainer ses yeux sur la page et vit son nom écrit à plusieurs reprises, ainsi que celui d’Yven et de Lymel. Le passage semblait relater leurs rencontres dans les Landes. Dans la narration, Myrek avait glissé ses réflexions, ses hypothèses sur tout ce qu’il se passait, et cela résultait en un étrange mélange entre traité scientifique et fiction.
Alors qu’il tourna la page pour lire ce qui précédait, espérant tomber sur leur première rencontre dans l’Auberge dont il ne gardait aucun souvenir, un tome dépassant de la sacoche du mage attira son attention. Son cuir était usé et ses pages écornées. Il le prit et le feuilletta rapidement. Comme les feuillets d’Ermeline, il était couvert d’arabesques et de schémas, mais ici, il ne voyait quasiment que des corps humains. Il tomba sur une page où était dessinée une main ainsi que ce qu’il pensa d’abord être des veines, mais comparant à la sienne, il vit que cela ne correspondait pas du tout, et surtout, il y avait des noeuds sur le schéma, desquels plusieurs traits partaient. Il ne comprenait pas bien ce que cela représentait, cela ne correspondait pas aux veines, et ne pouvait pas correspondre aux os.
Il jeta un œil dans le couloir, et ne voyant pas de lumière, se dit qu’il n’avait rien à perdre à essayer. Il ferma les yeux et tissa un lien avec le grimoire. Il visualisa ce lien, comment il le verrais, comment il allait le sentir, le goûter, et il ouvrit les yeux. Il voyait assez distinctement le lien qu’il venait de créer. Il n’avait pas encore donné forme à l'énergie qu’il allait faire transiter, mais il essaya d’en envoyer un filet. Au début rien ne se passa, mais petit à petit, les lignes dessinées sur le dessin de la main s’illuminèrent, et il put apercevoir ces mêmes lignes se dessiner sur la sienne.
Il entendit un bruit en bas et son lien se rompit. Il allait devoir travailler sur sa concentration. Il remit rapidement le grimoire dans la sacoche et retourna dans sa chambre aussi discrètement que possible. Il n’y eut pas d’autres bruits, mais il ne voulut pas prendre de risques, et le sommeil commençait à la gagner.