Chapitre 5

1466 0 0

Vélinel quitta le fauteuil de son bureau, ses yeux bleus hantés par la fièvre d'une prophétie.

— C’est lors d’une nuit sans étoiles que la lumière du matin s’élèvera.

La grande domination leva les yeux sur le ciel d’encre, puis les baissa vers un miroir immense qui reflétait toute la pièce. Le bureau du Premier Ministre était fait de marbre noir et de boiseries, rehaussées de tapisseries rouges et or, inspirées de l'art guébouréen. Ces dernières représentaient des scènes de chasse entre des créatures étranges, gracieuses mais mortelles, bien différentes des muffalos de Sicad. Dans des vitrines, Vélinel avait aussi exposé ses collections d'art, d'artefacts, retrouvés il y a des millénaires par la croisade du Primogène, dans les autres mondes perdus. El en avait tellement que ces objets étaient exposés partout dans son domaine. 

Le Manoir, demeure du Premier Ministre, n'était pas pour autant qu'un musée. Des milliers de dominations et de vertus y travaillaient jour et nuit pour organiser la vie des millions d'anges présents sur la planète. Administration, logistique, mais aussi diplomatie et commandement, le Manoir était le cœur technocratique du système, l'exécution du pouvoir.  

Chargé à bloc, Vélinel sortit de son bureau pour monter dans les étages. Ce soir, une tension presque douloureuse régnait parmi les élohim de la tour-manoir. Dans les grands salons, les vertus courraient de bureau en bureau, leurs boules de cristal à la main, leurs esprits captifs de l’agitation du réseau EL. Des dizaines de dominations étaient allongés sur les divans, crispés, convulsant sous la puissance de leurs visions. Des verres de jus de grenade se brisaient sur le sol de marbre noir, leur précieux liquide absorbé par les tapisseries rouges qui ornaient le manoir. Vélinel, qui montait d’un pas rapide vers le sommet, sentit un liquide chaud couler sur sa bouche. El-même saignait. 

“Garviel ?” appela-t-el dans le réseau.

Le halo rouge du génér’aile de Sicad luisait au-dessus du Sanctuaire. El et ses troupes de puissances lançaient de discrètes expéditions vers le cosmos.

“Mes Pythiens doivent être gardés saufs, prépare bien leurs navettes”

Garviel soupira mais s'exécuta en acquiesçant. Vélinel reprit son chemin. Il ne lui restait qu’une demi-heure avant le retour de l’enfant de l’Interracs. Viendrait ensuite le message des traîtres, la colère du roi, puis les hordes de la mort. Guidé par ses divinations, Vélinel ne faisait que suivre son propre chemin. Une seule incertitude le taraudait. Phosphoros était-el bien en route ? 

Le cosmos occulté gardait ce secret. Comme tous ici, Vélinel était aveugle. Les étoiles avaient disparu, el ne pouvait lire leurs trajectoires. Seules étaient possibles les divinations sur la surface de Sicad. Des visions de mort qui engloutissaient toutes les rivières des avenirs possibles. C’était inconfortable, mais cela avait été prédit aussi, dans la survenue de la tant attendue Conjonction. Se trouver psychiquement bloqué face à la destruction était cependant lassant. Insoumis, Vélinel avait décidé de défier la nappe de ténèbres qui le recouvrait. 

Au travers des ténèbres, seuls quelques êtres exceptionnels pouvaient transcender l’espace-temps. Ces êtres étaient les Perpétu’ailes, sept demi-dieux que l’azoha-structure Éden avait elle-même généré depuis la graine des sept premiers fils d’EL. Sept demi-dieux, fils des primordiaux, absorbés dans l’espace-temps de Malkouth après la dévastation de la Seconde Brisure, libérés au terme de la Croisade du Primogène. Depuis leur naissance, et de nouveau depuis leur sauvetage, els étaient partout à la fois, incarnant les disciplines élohiennes de Malkouth. Els pouvaient être invoqués par les élohim, pour obtenir leur aide, leur savoir, leurs informations. 

Vélinel arriva enfin à sa destination, le hall circulaire au sommet de la tour-manoir. Sous un dôme d’étoiles mouvantes, soixante-dix dominations vêtues de blanc étaient agenouillées, formant sept cercles. Els s’agitaient toutes, retenues au sol par des chaînes dorées. Leurs habits tâchés de rouge arboraient le symbole de la Pythia, l’école suprême de la divination, filiale la plus redoutée du Ministère d’Hessed. Vélinel passa entre les cercles de ces dominations oracles, qui marmonnaient des prières d’invocation, vidant toute l’énergie de leurs psychés. Leurs corps étaient épuisés, leurs yeux injectés de sang doré et de jus de grenade. Partout des verres brisés, des entailles sur les corps, des grimaces de douleur. 

Vélinel resta de marbre, écoutant attentivement les murmures des suppliciés. Chaque cercle était dédié à un perpétu’aile, tentant d’invoquer l’un d’eux. Dans le réseau EL, leurs essences colorées apparaissaient peu à peu en des brins de lumière. Mais c’était insuffisant, terriblement insuffisant. Morpheus pourrait venir, avait au début pensé Vélinel. Le protecteur des anges apparaissait dans les rêves, nul besoin de venir el même par-delà la horde. Mais l’ange Miel avait le monopole de l’onirisme sur Sicad. Cette voie était une impasse. Désirael l’enflammé, de même, appartenait aux séraphins de Burrhus alors qu’el aurait pu sans troubles percer la nappe de ténèbres. Qui avait-il d’autre ? Moirel, le divinateur évidemment. Anubiel, la mort, la mort serait au rendez-vous. Et pourtant, c’est dans le cercle de Morpheus, l’improbable rêveur, qu’un cri strident s’éleva. 

Vélinel sursauta et se précipita sur la domination. El plongea la lumière de son halo bleu ciel dans le sien, pour voir ce qu’el avait vu. Les embruns mauves de l’essence omniprésente du demi-dieu flottaient dans le réseau EL. Il y avait des images à l’intérieur, des images de la vallée, des monolithes. Vélinel ricana. Quelque part dans les hauteurs du Sanctuaire, Miel avait rêvé, avait remémoré sa journée alors que Morpheus rôdait. Le réseau était saturé de sa psyché, de ses souvenirs. Vélinel observa. Deux figures apparurent. Une grosse puissance couverte de tatouages anciens, et une figure dorée.

— Tsekali le destructeur, chuchota la domination-oracle étendu sous le Premier Ministre. Une arme de destruction massive à son bras.

— Deux êtres faits l’un pour l’autre, dit Vélinel en se relevant. 

— Qu’est-ce que cela nous apprend ? grimaça la domination-oracle. 

— Qu’il est temps pour vous tous de rentrer à la maison, répondit Vélinel. Pythiens ! appela-t-el. Debout !

Les soixante-dix dominations, toujours au sol, ravagées, poussèrent des cris d’agonie. La mine figée, le Premier Ministre sortit du hall. Au même moment, un contingent de puissances entra pour saisir les oracles et les faire descendre au célestoport. Vélinel, el, poursuivit son chemin.



— Démon ! s'écria Pomiel.

Dans un geste ample et puissant, l'archange-roi jeta son verre de jus de grenade contre l'écran. L'appareil, très bien conçu par les génies de la Chokmah, s'en sortit sans une éraflure. Il continua de diffuser le message de Miel. 

L'ange se tenait debout, tout souriant aux côtés de l'évêque Burrhus. Là où le séraphin avait gardé sa traditionnelle chasuble blanche, l'ange se présentait dans une longue robe aux manches bouffantes. Sa peau pâle scintillait de paillettes argentées. Ses cheveux roses étaient rassemblés en deux chignons tressés. 

"Peuple de Sicad, disait Miel d'une voix chantante. "Moi et Burrhus avons une formidable nouvelle. La fête du nouveau millénaire est maintenue ! La menace de la horde est passée ! Rendez-vous dans l'arène pour célébrer l'œuvre d'EL !"

— Menteur ! cria encore Pomiel.

— Du calme, votre Majesté, dit Vélinel.

— Personne ne me dit quoi faire ! Personne !

Vélinel trouva bon de ne rien dire de plus. Installé à l'extrémité d'une longue table en bois rare, le Premier Ministre pianotait des instructions sur un ordinateur portable, fait de cristal, pendant que son souverain bouillonnait de rage. L'écran de télévision avait survécu, mais de nombreux objets appartenant à Vélinel y étaient passés. Et pour cause, leur petite réunion de crise, plutôt officieuse, se tenait dans la salle à manger du Premier Ministre, dans son domaine du Manoir. 

Le clip que Miel avait diffusé repassa sur l'écran de la salle à manger et cette fois, c'est la collection de vases netzachiens qui fut victime de la colère royale. Cette vidéo d'à peine une minute, où Burrhus et Miel encourageaient les élohim à rentrer au Sanctuaire, avait été diffusée dans le réseau EL local il y a presqu’une heure. La vidéo avait été vue par tous les élohim de la planète, alors que ces derniers, apeurés, confus, hésitaient à rentrer au Sanctuaire face à la nuit sans étoiles. Plus tôt dans la journée, un ordre, cet ordre de rassemblement, avait été passé par Miel et dans la panique, les autres command'ailes l'avaient imité, alors que personne ne savait le pourquoi du comment. Était-ce une évacuation ? Une tactique de défense ? Pourquoi diable faire la fête en plein black-out ? Face à la confusion, Miel était sorti de son trou et avait fait cette petite vidéo avec l'évêque. Archange à la place de l'archange, el avait pleinement assumé son ordre étrange, promettant la fin d'une menace qui masquait pourtant encore les étoiles.

Évidemment, les évènements de cette journée chaotique avaient complètement échappé au contrôle de Pomiel.

— Où en est-on ? demanda brusquement le souverain en regardant d'un air outré les bris de céramique sur le sol. 

— Le contact avec l'expédition est maintenu, expliqua Vélinel comme si de rien était. Tout se passe normalement.  

— Que voient-els ?

— Rien d'inhabituel encore, dit Vélinel. Garviel me dit qu'els ont capté les halos des ophanim géostationnaires. D'après les premiers contacts, els n'ont rien vu de plus que nous, au sol...

— En parlant de ça, que dit Kémirée ?

— Toujours rien votre Majesté. El n'a pas donné signe de vie depuis plusieurs heures. El a disparu bien avant le message de Miel. 

— Miel ! Miel ! Miel ! s'agita Pomiel. Ne dis pas son nom sans prévenir ! Tu risques de l’invoquer !

Le souverain, haut de plusieurs mètres, encombré de ses trois paires d'ailes, créa presque un ouragan dans la pièce à force de faire les cents pas à toute vitesse. El tournait en rond comme un lion en cage, mais sa volonté était paralysée. El ne savait plus quoi faire face à la horde et à l'initiative inattendue de Miel. 

— Votre Majesté, marmonna Vélinel en gardant une expression impassible. Sans vouloir vous offenser, je vous supplie de vous clamer. Apaisez vos émotions, votre netzach. Je peux vous faire tisser une thaumaturgie...

— Non ! Cesse de me prendre pour un enfant !

— Je vous avais prévenu que le temps de la Conjonction serait tumultueux.

— Ha ! Tu ne penses qu'à ça ! Ta "Conjonction". Et moi ? Moi je fais quoi face aux humiliations ! 

— Votre Majesté doit comprendre que le retour prophétisé de Phosphoros sur Sicad est bien plus important que les intrigues politiques d'un simple ange. 

— Cet ange maudit n'est pas si "simple".

Vélinel se retint de rire. El masqua son dégout pour la puérilité de Pomiel et reporta son attention sur ses communications avec les puissances parties explorer la nuit sans étoiles

— Une domination à la tête bien dure comme toi ne peut comprendre la gravité du comportement de Miel. Cela fait des millénaires qu'el me provoque pour m'éloigner un peu plus du trône jour après jour. Et le Grand Architecte ne fait rien. 

— Courage votre Majesté, dit sèchement Vélinel. Si la Conjonction se déroule comme prévu, Sicad ne sera plus qu'un souvenir pour nous deux. 

— "Si". À quel point es-tu sûr de son retour, V ? Tu ne peux même plus rien voir là !

— Il m’a suffi d’observer la surface de ce monde pour obtenir ma certitude, dit Vélinel, l'air halluciné. Les astres de Kether, de Guebourah, de Malkouth, se donnent rendez-vous ici, ce soir, sous la nuit sans étoiles. Cela fait partie de la prophétie.

— N'importe quoi… marmonna Pomiel. Vous et vos prophéties de résurrection inutiles… Acceptez juste que vos parents sont morts à la guerre. Faites votre satané deuil. 

C'est soudain dans les yeux de Vélinel que l'outrage apparut. Vous, anges et archanges, fils du Grand Architecte, n'êtes pas orphelins, voulu-t-el dire. Vous ne pouvez pas comprendre. Mais la domination, contrairement à l'archange. Se contrôla parfaitement.

— Revenons au présent, votre Majesté, demanda Vélinel en remettant son attention sur son petit ordinateur. 

Pomiel recula, énervé.

— Et l'Interracs ? demanda-t-el. Où est-el ? 

— El est rentré, mais Miel nous a devancés…

— Tu es particulièrement incompétent ce soir !

Vélinel ne releva pas l'insulte. Pomiel soupira et se laissa tomber dans une chaise immense, spécialement conçue pour el par les principautés artisanes de Sicad. Vélinel, dès le début de sa mission ici, s'était assuré que Pomiel ait une place pour el dans tous les domaines, toutes les tours, tous les appartements du Sanctuaire, sans que jamais l'archange ait à se défaire de son gigantisme. Alors que le clip de Miel passait encore en boucle sur la télé, Pomiel trouva enfin la force mentale pour se calmer. Des dominations entrèrent dans la pièce et chuchotèrent à l'oreille du Premier Ministre.

— L'Interracs doit être interrogé el-aussi, continua Pomiel. Bien qu'el ne risque de ne rien livrer. El est loyal envers son ange. 

— Mon étude de sa personnalité indique le contraire votre Majesté, contredit Vélinel. 

— Quoi ? fit Pomiel. Mais enfin, c'est son amant ! El lui a donné un fils via une de ses épouses, juste sous mon nez d'ailleurs !

— La loyauté de Nakirée est d'abord aux Interracs. Pour sa mission véritable ici, Euthanatos ne nous a pas envoyé un chérubin de faible résolve. 

— Tu ne fais que de la psychologie de comptoir, dit Pomiel. 

L'archange vit Vélinel échanger avec ses subalternes par murmures et s'en agaça. 

— Que te disent tes oiseaux bavards là ? demanda l'archange. 

Alors que les dominations s'éclipsaient, trois des neuf hauts command'ailes de Sicad entrèrent dans la belle salle à manger gothique. Il y avait Luisiel, chef des chérubins, Joliel, chef des principautés et Echiel, chef des vertus. Els firent une petite révérence en direction de leur souverain.

— Vos petits entretiens se sont bien passés ? demanda Vélinel à ses collègues. 

— Nos interrogatoires, tu veux dire, répliqua Luisiel, au corps transformé par le chimérisme pour ressembler davantage à un arbre qu'à un éloha. 

— Vous êtes proches de Miel, de ses motivations, expliqua Vélinel. Vous devez savoir quelque chose de ses plans. 

— Nos ophanim ont disparu, notre frère command'aile Soniquel avec eux, dit Luisiel. Et tu crois que tu participerions aux facéties de Miel ?

— Et pourtant vous avez suivi son ordre ! cracha Pomiel. Pas une minute vous n'avez daigné obéir à moi ! Votre roi plutôt !

Luisiel se retint in extremis de lever ses centaines d'yeux au ciel. 

— Crachez le morceau, je vous l'ordonne ! dit Pomiel en faisant briller son halo mauve d'une lumière aveuglante. Vélinel ! appela-t-el. Rends-toi utile ! Domine-les ! Force-les par ta voix !

Les command'ailes furent un instant subjugués par la beauté de leur souverain, soumis à son pouvoir de Présence. Mais cela ne délia pas leurs langues. Vélinel eut un échange de regards avec eux, gêné. Les dominer serait incroyablement irrespectueux, indigne. Pomiel continua de crier sur les command'ailes. Mais Vélinel, el, reçu une communication de Garviel, toujours en expédition. 

— Un... enfant ? fit Vélinel. Vous avez trouvé un enfant en orbite ? 

— Un enfant encastré dans un ophana, précisa Garviel. 

L’esprit de Vélinel plongea quelques instants dans lui-même. El passa en revue tous les enfants de Sicad enregistrés par son ministère. Leurs halos brillaient dans sa mémoire absolue. Un seul était engagé dans la voie de la témérité. 

— Faites le descendre !

— El n'est pas très coopératif. El ne cesse d'hurler aux ténèbres, quelque chose à propos de Rhéa. 

Vélinel resta silencieux un instant. Ses cœurs se serrèrent d’inquiétude. Si Rhéa était tombée…

— J'arrive Garviel, décida Vélinel. Ramasse cet enfant. Je vais l'interroger moi-même. 

Pomiel el, congédia rageusement ses command'ailes, les laissant enfin aller se préparer pour la fête organisée par Miel et Burrhus. Lorsqu'el vit Vélinel partir, el s'emporta encore.

— Tu ne peux pas me laisser seul là !

— Je dois mener un interrogatoire important, dit Vélinel en s'éloignant. Votre Majesté devrait réunir son entourage et se préparer à la fête.

— Je n'irai pas !

— Vous devez y aller, votre Majesté. Et faire comme si vous aviez tout prévu.

— Pour que toute la faute retombe sur moi quand la horde va débarquer ?! Non ! Hors de question ! Je vais les dénoncer et partir !

— Nous ne pouvons pas partir, pas encore. La Conjonction arrive. Vous n'avez pas le choix

— La quoi ? fit soudain une voix grondante.

L'évêque Burrhus apparut au palier de la salle à manger. El se pencha en avant et y pénétra, un sourire affable aux lèvres, ses iris dorés brillants de malice. Pomiel se trouva seul face à el.

— Ai-je manqué une réunion ? demanda l'évêque. J'ai vu passer les autres command'ailes en arrivant.

Pomiel resta bouche bée, paniqué. 

— Vous n'avez rien raté, dit Vélinel, souriant à son tour.

Pomiel recommença à faire les cents pas alors que Burrhus observait calmement les éclats des objets que l'archange avait cassés dans sa frustration. 

— J'imagine que l'initiative que nous avons prise, Miel et moi-même, vous a pris de court, dit le séraphin. Je suis venu expliquer...

— Expliquez donc vos motivations à notre cher souverain, dit Vélinel. J'ai déjà autre chose de prévu de mon côté. Je vous confie ma salle à manger 

Ainsi, le Premier Ministre abandonna le roi et l'évêque à els-mêmes et marmonna :

— Dis-moi ce que tu as vu, petit Hémoée...

Please Login in order to comment!